Album in-fol., suite complète de 16 planches (eau-forte et burin) de la deuxième édition avec des épreuves des troisième et quatrième émissions (1760-1770) sur vergé romain, avec les nouveaux travaux pour noircir certains fonds et détails, mais avant le numéro ajouté par Firmin-Didot vers 1835-1840.
Les estampes sont montées par le milieu sur onglet, certaines marges sont de largeur irrégulière car rognées pour s’adapter au volume. Reliure cartonnée, plats en papier marbré, dos en vélin avec titre doré (défraichie). Anciennes traces de nettoyage, rousseurs claires éparses, léger empoussiérage, petits accidents et restaurations occasionnels.
Le recueil est relié dans l’ordre suivant : Titre, 490 x 670 mm, Robinson 29 (VII/IX). Deux petits arrachements dans les noirs. Petite déchirure oxydée en tête de l’onglet. L’Homme sur le chevalet, 490 x 690 mm, Robinson 43 (V/VI). Large bande d’empoussiérage en pied sous le sujet. La Tour circulaire, 490 x 690 mm, Robinson 30 (V/VI). La Grande place, sur vergé fort, 490 x 698 mm, Robinson 31 (V/VI). Restes de colle oxydée au verso, notamment le long de l’onglet. Courte déchirure en marge gauche. Filigrane : fleur de lys dans un double cercle surmonté d’un croissant (porche Robinson fil. 36). Les Bas-reliefs aux lions, 490 x 695 mm, Robinson 44 (II/III). Reste de colle au verso, déchirure de 40 mm en marge gauche sur l’onglet de montage. L’Incendie, 490 x 695 mm, Robinson 32 (VI/VII). Le Pont-levis, 490 x 690 mm, Robinson 33 (V/VI). Traces d’épidermures au verso. L’Escalier aux trophées, 490 x 690 mm, Robinson 34 (V/VI). Plusieurs larges rousseurs circulaires et légère auréole rousse d’humidité perceptible au verso. La Roue géante, 490 x 690 mm, Robinson 35 (VII/VIII). Petite restauration (ajout de papier) au verso au bord de la marge droite. Prisonniers sur un éperon, 690 x 490, Robinson 36 (V/VI). L’arc décoré d’une coquille, 695 x 490 mm, Robinson 37 (VI/VII). Petits arrachements en surface au centre, affectant le sujet sur 40 mm en pied, causés par la reliure. Fins plis cassés verticaux à gauche de l’onglet, dont un remontant dans le filin de la lanterne suspendue. Auréole rousse en marge supérieure causée par la colle. Le Chevalet de torture, 693 x 490 mm, Robinson 38 (V/VI). Un pli de tirage oblique en pied, pénétrant légèrement dans le sujet. Un autre fin pli de tirage en marge droite. Fine bande claire d’oxydation perceptible le long du bord droit du sujet. Le Puits, sur vergé fort, 697 x 490 mm, Robinson 39 (V/VI). Petit arrachement en surface dans les noirs en pied du sujet. Deux plis de tirage oblique en marge inférieure, atteignant le coup de planche. Petites taches rousses en marge droite. L’Arc gothique, sur vergé fort, 695 x 490 mm, Robinson 40 (V/VI). Le Môle au lampadaire, 695 x 490 mm, Robinson 41 (VI/VII). Petites déchirures en marge inférieure de part d’autres de l’onglet, anciennement restauré au verso. Le Môle aux chaines, sur vergé fort, 697 x 490 mm, Robinson 42 (V/VI). Petit arrachement en surface dans les noirs en pied du sujet, sur l’onglet de montage.
PIRANESI, Giovanni Battista
Giovanni Battista Piranesi naît près de Venise en 1720. Jeune artiste formé à la discipline de Vitruve et de Palladio, pétri d’admiration pour l’antique, Piranèse, en 1740, accompagne l’ambassadeur de la république de Venise auprès du Saint-Siège comme « dessinateur ». Il peut alors étudier d’après nature les monuments et les vestiges qui ont nourri son éducation. Fort de l’enseignement multidisciplinaire qu’il a reçu, il collabore un temps avec les frères Domenico (17..-1771) et Giuseppe Valeriani (1708-1762), célèbres décorateurs de théâtre, mettant en pratique ses talents de védutiste et d’architecte. Vers 1742, il fréquente l’atelier de l’un des plus importants graveurs de la Péninsule, Giuseppe Agostino Vasi (1710-1782), sous la direction duquel il participe à l’édition des Vedute di Roma sul Tevere et perfectionne sa technique d’aquafortiste. En 1743, il prend part à une autre grande entreprise éditoriale : la réduction de la célèbre Nuova Topografia di Roma réalisée d’après les relevés de Giovanni Battista Nolli, premier plan de la ville exécuté sur des critères scientifiques modernes. Quelques années plus tard, il se lance dans la création des Carceri d’Invenzione qui est un ensemble édité pour la première fois vers 1749-1750. Il s’agit d’une série de quatorze planches où l’artiste développe le thème exploité dans la planche « Carcera oscura » de la Prima parte et déploie toutes les sombres magnificences de ses dons de peintre. S’il n’est issu d’aucune tradition iconographique, le thème a un point de départ connu : c’est le décor créé par l’architecte et ornemaniste Daniel Marot pour l’opéra La Prison d’Amadis, mais, sous le burin de Piranèse, les variations qui en découlent, amplifiées, donnent lieu à des fictions saisissantes empreintes de malaise où s’exprime un génie très personnel et ombrageux. Sans équivalent dans la production iconographique du temps, il s’agit là d’un rêve de pierre où les silhouettes humaines, errantes ou suppliciées, ne semblent présentes que pour animer vainement des espaces indéfinis et sans échelle. La technique est étonnamment libre, le geste ample et léger. Au contact de Tiepolo dont l’œuvre gravé, bien que confidentiel, est particulièrement prisé des amateurs, Piranèse a sans doute appris que l’on pouvait manier la pointe comme la plume d’un dessinateur qui improvise, se servir des morsures de l’acide comme d’une palette. De la Prima parte aux Carceri, on observe une forme de prise de conscience chez Piranèse qui semble saisir alors que la gravure peut prétendre à un autre rôle que celui de servante impersonnelle de l’architecture dont elle reproduit et répand les ouvrages, pour s’affirmer comme un art complet qui se suffit à lui-même et peut tout exprimer. Les planches de la Prima parte étaient un peu sèches : c’est encore la belle rigidité monotone des graveurs d’architecture. Au contraire, dans les Carceri, l’artiste donne une souplesse inédite à son dessin gravé qu’il apprend à colorer vigoureusement au moyen de morsures profondes. Reste que l’inventeur des Prisons doit beaucoup à la décoration théâtrale. En outre, comme dans les planches de la Prima parte et les grandes estampes postérieures, l’adresse de la mise en page, la composition et les effets de lumière sont la manière d’un décorateur de théâtre qui sait utiliser et agrandir son cadre par l’illusion de la perspective. Il est probable que c’est au début des années 1760 que Piranèse reprend ses Carceri et qu’il leur donne leur forme définitive : le lumineux cahier vénitien exécuté avec une franchise un peu lâche disparaît sous les surcharges et se trouve saturé d’effets de morsure. Bien qu’ayant perdu le feu de la première, cette seconde version est beaucoup plus élaborée. A côté des dessins légers de la première édition, les planches de la seconde sont énergiques et nuancées comme des œuvres peintes, de telle sorte que Piranèse donne aux motifs une puissance colossale nouvelle, ainsi qu’une effrayante solennité. D’une édition à l’autre, on passe du décor de théâtre au drame. Bibliography: Bibliothèque de l’Institut de France, Le Carceri d’Invenzione dans Piranèse: un rêve de pierre et d’encre.