HULOT, Charles
[BRÉSIL – CHILI – TAHITI] [Journal de l’expédition de Tahiti sur la corvette La Somme]
[1842-1845]
- Dimensions: 19.5 x 14 cm
- Condition: Très bon
- Technique: Encre sur papier
Référence: 89
Vendu
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Description
Manuscrit autographe signé sous forme de correspondance envoyée en France.
Il se compose de 24 lettres rassemblées en cahiers libres ou cousus entre eux comptant 92 feuillets (ou 46 bifeuillets) non chiffrés, dont 2 feuillets blancs (env. 195 x 140 mm pour la plupart).
– Soit en tout : 182 pages in-8 écrites à la plume (encre noire), environ 25 lignes par page.
– Illustré de 75 dessins à la plume de différents formats, dont 20 rassemblés sur une seule planche, et de 2 dessins à part sur papier fort (67 x 35 mm), à l’encre et au lavis, dont un avec rehauts à l’aquarelle.
Journal de bord inédit composé pendant l’expédition polynésienne de l’amiral Dupetit-Thouars.
Il se présente sous la forme de lettres familières écrites par Charles Hulot, lieutenant de vaisseau sur la corvette la Somme pendant l’expédition militaire de Tahiti. Sa signature autographe, « Ch. Hulot », est apposée à la fin de trois des « cahiers » constituant le manuscrit. (Il est intéressant de noter que ces cahiers sont justement ceux qui contiennent des textes révélant ce qu’on pourrait définir une ambition littéraire du scripteur.) Les dates d’envoi et de réception sont parfois notées par les destinataires, vraisemblablement les parents du jeune lieutenant de vaisseau.
La vie de Charles Hulot fut courte. Né à Metz le 13 juin 1824, cet élève de première classe promu lieutenant de vaisseau trouva la mort le 10 avril 1845 pendant son service à Tahiti : il n’avait pas 21 ans. Les Annales maritimes et coloniales (vol. 31, 1846) nous apprennent qu’il décéda à bord de la frégate l’Uranie, où il avait été embarqué le 31 octobre 1844, sans que l’on sache si la mort fut provoquée par une action violente survenue dans la redoute de cette frégate (l’île était toujours en état de siège, comme l’indiquent les notes du 19 et 31 octobre, et celle du 1er novembre 1844) ou si le jeune Hulot était tombé gravement malade et avait été transporté à bord pour y être soigné. La dernière entrée de son journal – annonçant la probable sortie en mer de l’Uranie, mais le maintien de sa redoute –, date du samedi 18 janvier 1845, moins de trois mois avant sa mort.
Mise sur cale le 23 avril 1838, la Somme fut lancée le 29 août 1840, puis armée à Cherbourg le 26 août 1841. Classée dans une premier temps « corvette de charge » (bâtiment de transport), elle fut réaffectée à partir de 1846 comme stationnaire en Océanie et, pourvue de 24 bouches à feu, requalifiée « corvette à gaillards ». De 1841 à 1846 – c’est à peu près la période couverte par notre manuscrit – la Somme est affectée aux Antilles, en Amérique du Sud et en Océanie. De 1842 à 1845, elle est à Tahiti pour assurer protection des missions catholiques françaises en Polynésie, menacées par les intérêts anglais dans la région des îles de la Société. En 1846, elle rentre à Brest pour réparations, avant de repartir jusqu’en 1847 pour Tahiti, d’où elle ramène les premières troupes expéditionnaires. Pendant le voyage de retour, son commandant, le lieutenant de vaisseau Le Coentre, décède de maladie. Désarmée à Brest le 2 mai 1848, puis échouée dans le bassin du Salou le 16 juillet 1850, la Somme est condamnée le 21 novembre 1850.
Dans ces lettres adressées à ses « chers parents », Charles Hulot brosse quelques vivants tableaux de Rio de Janeiro, de Valparaiso, ainsi que des îles océaniennes sur lesquelles il a séjourné (essentiellement Tahiti et Nuku Hiva). Les descriptions géographiques et botaniques, la physionomie des villes et des villages, les types indigènes et leurs coutumes, les excursions et les parties de chasse, les repas et les équipées galantes sont rapportés avec un style agréable et alerte. Le manuscrit contient d’innombrables détails sur la navigation de la Somme, ainsi que sur les mouvements de plusieurs bateaux de guerre appartenant à la flotte placée sous le commandement de l’amiral Dupetit-Thouars lors de l’intervention française aux les îles Marquises (1842-1844).
Les 75 dessins à la plume constituent un des principaux attraits de cet ensembleFinement croqués – sur le vif ou juste après l’observation –, ils restituent toutes sortes de « choses vues » : oiseaux et paysages, voiliers et pirogues, plantes et poissons, costumes et objets d’artisanat, sans oublier les types indigènes et quelques représentations cartographiques ou topographiques. Il y a même un plan du carré des officiers de la Somme. Quant aux deux vignettes à part, elles sont ravissantes : la première, au lavis noir, monte le pont de la corvette avec des officiers s’exerçant au sabre ; la seconde, rehaussée à l’aquarelle, représente une case indigène plongée dans la végétation ; les deux figures portent, au verso et à la plume, les noms des objets représentés au recto ; la vue terrestre est ainsi légendée de la main de Charles Hulot : « Peinture magnifique pour servir à l’ornement d’un voyage autour des Marquises, non moins magnifiques ».
Les feuillets ne sont pas numérotés, mais leur réunion en ensembles cohérents, parfois agrémentés d’une mention (Cahier 1, Cahier 2, Cahier 3 ou 2e feuille), ainsi que quelques notes très brèves – sans doute destinées à être développées ultérieurement –, laissent penser qu’Hulot aurait souhaité réorganiser la matière de sa correspondance et en faire une véritable relation, un souhait pris en compte par ses destinataires, qui semblent avoir ébauché un système de classement.
La plupart des lettres ont été pliées horizontalement (deux ou trois volets) au moment de l’envoi ; déchirures sans manques à quelques feuillets ; l’encre a un peu pâli sur une quinzaine de pages (notamment celles consacrées au séjour à Nuku Hiva) sans conséquences graves pour la lisibilité.
Le contexte : l’amiral Dupetit-Touars et « L’Affaire de Tahiti »
Le gouvernement de Louis-Philippe cherchait à créer, sur les côtes des continents ou dans les îles océaniques qui s’ouvraient à l’influence européenne, des escales pour les navires de commerce ou de guerre. L’Afrique attira d’abord son attention : la France y avait déjà pris pied à partir de l’Algérie, du Sénégal et de l’île Bourbon, qui deviendra la Réunion. Entre 1841 et 1844, non sans susciter la mauvaise humeur de l’Angleterre, des établissements fortifiés furent installés à l’embouchure des principaux fleuves du golfe de Guinée, et l’on prit possession, au nord du canal du Mozambique, des îles de Mayotte et de Nosy Be. Dès la fin de 1839, tournant ses regards vers l’Océanie, la France songeait à s’installer en Nouvelle Zélande. Mais l’Angleterre va l’y devancer.En septembre 1843, la visite de la reine Victoria a concrétisé l’Entente Cordiale entre la France et l’Angleterre. Au début de l’année 1844, celle-ci a été solennellement proclamée et ratifiée par les Parlements des deux pays. En France, François Guizot, ministre des Affaires Étrangères et anglophile, s’en est fait l’artisan, rompant ainsi l’isolement de la monarchie de Juillet au sein des puissances européennes. En ce milieu du XIXe siècle, l’équilibre entre les grandes puissances européennes doit être maintenu dans toutes les parties du monde. Le gouvernement de Louis-Philippe considère qu’il est de son devoir de penser à étendre son influence dans les régions les plus éloignées. Ainsi dans les îles du Pacifique, où la France a pris pied par l’intermédiaire de marins et d’explorateurs tels que Bougainville. Mandatés par le pape Grégoire XVI, des missionnaires catholiques français sont partis évangéliser ces îles lointaines. Mais ils y sont en concurrence avec des missionnaires protestants anglais.
En 1842, l’amiral Abel Aubert Dupetit-Thouars (1793-1864), commandant de l’escadre du Pacifique, a obtenu des habitants des îles Marquises l’agrément d’un protectorat français. La population de Wallis, de Futuna et des îles Gambier a sollicité le même statut, ce qui a incité l’amiral à s’intéresser à la perle des îles de la Société, Tahiti. Or, la reine Pomaré IV a pour conseiller un certain Pritchard, un pasteur anglican. Depuis 14 ans, celui-ci exerce, par le biais de sa triple fonction de consul d’Angleterre, de ministre du culte et d’apothicaire, une influence incontestable. S’étant découvert des dons politiques, il a invité la reine à hisser le drapeau britannique, prélude à une annexion pure et simple. Il a même suggéré à Lord Palmerston, ministre des Affaires Étrangères, de « protéger » Tahiti, mais a essuyé un refus. En 1836, blessé dans ses croyances et dans ses ambitions, il fait expulser la mission catholique française venue s’implanter à Tahiti et tente d’imposer le protestantisme comme unique religion dans l’île. La France réagit en dépêchant un navire de guerre chargé de rétablir la liberté du culte catholique. Pritchard décide de se rendre à Londres pour demander l’aide de son Gouvernement.
En septembre 1842, l’amiral Dupetit-Thouars, en croisière d’exploration dans le Pacifique, a jeté l’ancre en rade de Papeete et a persuadé la reine Pomaré d’accepter le protectorat français. En 1843, Pritchard est rentré d’Angleterre à bord d’un vaisseau de guerre, a suscité quelques troubles et a persuadé la versatile souveraine de renier le protectorat français. Toutes voiles dehors, Dupetit-Thouars a fait route vers Tahiti, animé d’intentions rien moins que belliqueuses. Le 4 novembre 1843, la frégate l’Uranie entre rade de Tahiti. L’amiral proclame la déchéance de Pomaré, l’annexion de l’île à la France et chasse le pasteur-consul-apothicaire britannique.
Des deux côtés de la Manche, l’affaire Pritchard enflamme l’opinion. Les Anglais sont furieux de ce qu’un marin français se soit mêlé de dicter sa conduite à l’un de leurs compatriotes. La presse, le clergé et le peuple s’échauffent ; les hommes politiques ne font rien pour calmer la tempête, contrairement à Louis-Philippe, qui ne veut ni mettre la paix en péril ni saboter l’Entente pour une petite île du Pacifique. Le 26 février 1844, le roi s’empresse de désavouer l’amiral Dupetit-Thouars et renonce au protectorat. Mais quand Guizot, dans son zèle conciliateur, va jusqu’à proposer une indemnité en dédommagement, la France explose à son tour. Comment ? Désavouer un amiral, s’humilier devant un pasteur apothicaire, traîner dans la boue le drapeau français ? L’opposition réclame la guerre, demande réparation, insiste pour que la France ne plie pas devant l’Angleterre, bourreau de Jeanne d’Arc et geôlière de Napoléon. Elle en a assez du « juste milieu ». Mais Guizot garde son sang-froid, soutenu par le roi mais aussi, secrètement, par Lord Aberdeen (qui a succédé à Palmerston aux Affaires Étrangères Outre-Manche et pense que les cahutes de Pritchard ne valent certes pas un conflit). Quand le ministre de Sa Très Gracieuse Majesté monte à la tribune pour proposer une loi indemnisant le pasteur Pritchard, il est accueilli par un concert d’imprécations. La loi sera votée, l’indemnité jamais payée.
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