Carte tres curieuse de la Mer du Sud ...

Description

Titre complet : Carte tres curieuse de la Mer du Sud, contenant des remarques nouvelles et tres utiles non seulement sur les ports et îles de cette mer, Mais aussy sur les principaux Pays de l’Amerique tant Septentroinale que Meridionale, avec les Noms & la Route des Voyageurs par qui la decouverte en a été faite. Le tout pour l’intelligence des Dissertations suivantes.

La carte la plus importante de Chatelain, centrée sur les Amériques révélant les routes de voyage et de commerces dans le Pacifique et l’Atlantique.

Cette carte à grande échelle en quatre feuilles représente l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Du nord, elle illustre la baie d’Hudson, Terre-Neuve et le Labrador et s’étend jusqu’au point le plus au sud du continent américain. Elle couvre ainsi en détail les côtes pacifique et atlantique et les îles environnantes, le Canada qui porte le nom de Nouvelle France, les  Grands Lacs, les États-Unis coloniaux (Californie en tant qu’île, Nouveau Mexique, Louisiane, Floride, Illinois, New York, Caroline…), le Mexique, les Antilles et les îles des Caraïbes, le Pérou, le Chili, le Paraguay, le Brésil, l’Argentine… De plus, elle englobe des régions considérables du monde puisqu’elle s’étend d’une partie de l’Asie (Chine, Japon, Philippines…) et de l’Australie à l’ouest jusqu’à une partie de l’Europe (Portugal, France, Espagne) et de l’Afrique (Alger, Tunis, Maroc, Barbarie, Nigéria, Guinée…) à l’est.

Même si Châtelain ait adopté la description de la Californie comme une île faite par ses contemporains, il a quand même inclus une remarque indiquant que : “quelques modernes” croyaient que la Californie était rattachée à l’Amérique du Nord. C’est donc l’une des premières cartes à réfuter le mythe de l’insularité de la Californie. Une erreur majeure qui s’est reflétée dans les cartes européennes entre le XVIe et le XVIIIe siècle.

Cette carte est richement illustrée par de nombreux encarts et vignettes sur ses bordures supérieure et inférieure. Elles représentent pour la plupart des scènes narratives élaborées des rencontres des explorateurs européens dans cette nouvelle terre, notamment une grande vignette des chutes du Niagara, des vignettes de la chasse et du séchage de la morue, de la chasse au castor et à l’ours, des chasses nocturnes, des moulins à sucre, des mines, un temple mexicain, un rituel de sacrifice humain… sachant que toutes ces scènes sont très détaillées et reflètent les habitants de la région et leur mode de vie, ainsi que sa flore et sa faune. En haut de la carte, l’auteur a inclus des médaillons avec les portraits de 9 explorateurs qui ont contribué à la découverte de l’Amérique : Christophe Colomb, Amerique Vespuce, Olivier de Nord, Guillaume Dampierre, Magellan Portugais, Jacques l’Hermite, François Darc, Guillaume Schouten et Robert Cavelier de la Salle de Rouen.

Outre ces scènes graphiques élaborées, Chatelain a fourni de généreuses notes et remarques sur la carte, permettant une meilleure compréhension des itinéraires des explorateurs et des revendications territoriales françaises et britanniques. Voici quelques exemples de ces notes sur l’océan Pacifique et l’océan Atlantique : “Route des Isles Antilles et du golfe de Mexique, Route de Cap de Bonne Esperance, Route de Guillaume Schouten et de Jacob le Maire en 1616, Route de Magellan 1520, Route de Jacques l’Hermite en 1625, Route de Hourique ou Grand Vaisseau qui va revient tout les ans d’Acapulco aux Manilles, Route d’Olivier de Nord l’an 1600…”

En fait, la première moitié du XVIIIe siècle est une période où les cartographes européens reflètent les revendications territoriales de leurs pays sur leurs cartes. Cela se remarque clairement dans la cartographie française et britannique des Amériques entre 1700 et 1750. Un exemple important est la carte de l’Isle de la Louisiane et du cours du Mississippi (1718) qui montre les colonies britanniques entourant les possessions françaises à l’ouest et revendique la Caroline pour la France. Les Britanniques, gênés par les affirmations explicites de la carte de De l’Isle, se réfèrent à la carte d’Herman Moll publiée en 1720 intitulée “Map of North America According to the Newest and Most exact Observations” [1] Cette carte de Chatelain, publiée à la même époque que celle de De l’Isle, s’en inspire très probablement et marque ainsi l’histoire de la cartographie américaine.

Cette carte faisait partie de l’Atlas historique de Chatelain, publié en sept volumes entre 1705 et 1720. Cet atlas était un travail complexe et ambitieux, l’Atlas Historique d’Henri Abraham Châtelain est l’une des encyclopédies les plus complètes de l’époque. Publié à l’origine à Amsterdam entre 1705 et 1720 par L’Honoré et Châtelain, L’Atlas Historique fut corrigé, augmenté et réédité jusqu’en 1739, date de la quatrième et dernière édition. Conçu pour le grand public, fasciné au début du XVIIIe siècle par les colonies nouvellement conquises, les nouvelles découvertes, les pays lointains (comme les Amériques, l’Afrique, le Moyen-Orient, la Mongolie, la Chine, le Japon, l’Indonésie…), il est illustré de très nombreuses cartes dont beaucoup sont basées sur celles du cartographe français Guillaume Delisle.

[1] Shwartz & Ehrenberg (1980). The mapping of America. New York: Henry N. Abrams, pp. 142.

[2] Ibid, planche [85]