CASSINI, Jean-Dominique
[Carte de la Lune]
Paris, 1787
- Dimensions: 557 x 567 mm
- Condition: Comme neuf
Référence: 203-4
45 000,00 €
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Carte gravée, 557 x 567mm. Premier état de la réédition par Cassini IV, de la rare et belle carte de la lune établie par son arrière-grand-père Jean-Dominique, dit Cassini I.
Jean-Dominique Cassini, dit Cassini IV, (1748-1845) est né à l’observatoire de Paris auquel son arrière-grand-père, également appelé Jean-Dominique Cassini, (1625-1712) a collaboré. Ce dernier est né en Ligurie et a étudié à l’observatoire de Panzano sous la direction de Giovanni Battista Riccioli et Francesco Maria Grimaldi. En 1669, il s’installe en France à l’invitation de Colbert pour aider à la création du nouvel Observatoire de Paris avant d’en devenir le premier directeur. Cassini commande au grand fabricant d’instruments Giuseppe Campani un télescope de 34 pieds qui s’avérera crucial dans la création de sa carte lunaire. Avec l’aide des artistes Sébastien Leclerc et Jean Patigny. Cassini réalise une soixantaine de dessins de la Lune entre 1671 et 1679 à partir des observations faites durant les éclipses lunaires (lorsque cela était possible), permettant ainsi d’obtenir une vue plus claire de la surface et des motifs lumineux inhabituels. Cinquante-sept de ces dessins sont conservés dans la bibliothèque de l’Observatoire de Paris.
La carte gravée sur cuivre par Claude Mellan, a été réalisée à partir de ces dessins. La technologie et les observations effectuées étaient si fascinantes qu’une carte manuscrite figurant les aspects de la Lune est reproduite dans un tableau de 1680 à Versailles par Henri Testelin, montrant Colbert présentant les membres de l’Académie des sciences à Louis XIV. La qualité du rendu tridimensionnel des caractéristiques lunaires de Patigny et Mellan est restée inégalée jusqu’à l’avènement de la photographie.
C’est la première carte fidèle de la Lune ; elle supplante totalement les réalisations peu détaillées des prédécesseurs de Cassini dont les observateurs de l’époque ont souligné la simplicité : ainsi, Robert Hooke a comparé la représentation de la formation lunaire d’Hipparque par Johannes Hevelius et par Riccioli, le professeur de Cassini, pour montrer la relative rareté des informations qu’ils ont fournies. La carte de Cassini montre quant à elle un niveau de détail visible uniquement à travers un télescope de vingt pieds de long ou plus. Les dimensions et positions des principaux éléments sont relativement précises, mais la véritable force de la carte réside dans la richesse des informations fiables qui sont données sur la limbe lunaire. La lune est orientée vers le sud, mais avec l’axe lunaire tourné de 30 à 45 degrés dans le sens des aiguilles d’une montre. En plus de représenter une avancée scientifique, la carte de Cassini a également joué un rôle dans une polémique religieuse; la lune a en effet longtemps été associée à la Vierge Marie par une analogie établie entre la pureté supposée de sa surface et la chasteté de la Vierge, bien qu’à partir de Galilée, les observations de la lune montraient que sa surface était loin d’être parfaite. Elle était en effet constituée de cratères et de chaînes de montagnes. La carte de Cassini constituait donc une autre réfutation de la théorie de la lune immaculée : malgré cela, les astronomes catholiques n’ont abandonné le concept qu’à la fin du XVIIème siècle.
La carte présente deux charmants éléments faisant vraisemblablement référence aux épouses des hommes impliqués. Dans la moitié inférieure, sur la chaîne de montagnes Promontorium Heraclides, le long du golfe des Arcs-en-ciel, se trouve une tête de femme de profil, avec de longs cheveux flottants. Elle est basée sur une véritable structure lunaire, mais est censée avoir été modelée d’après la femme de Cassini, Geneviève de Laistre. Cassini avait en effet fait réaliser un portrait à la plume de sa femme l’année précédant la publication de la carte par le fils de Patigny ; l’identification pourrait donc être correcte. L’autre est le marquage en forme de la lettre grecque phi (?) qui apparaît dans la mer de la Sérénité. En plus d’avoir la forme approximative d’un cœur, elle commence également par le mot grec philos, qui signifie amour ou affection.
Également astronome, Cassini IV succéda en 1784 à son père en tant que directeur de l’Observatoire de Paris. En 1787, il trouve dans les archives de l’Observatoire la gravure sur cuivre originale de la carte de la lune de son arrière-grand-père et la réédite. Cette deuxième édition est identique à la première, à l’exception de l’ajout “Carte de la Lune… de Jean Dominique Cassini” sur le bord inférieur. Cassini IV a également publié sa propre version réduite l’année suivante. Après la Révolution française de 1789, des frictions entre Cassini IV et l’Assemblée nationale l’amènent à démissionner de son poste de directeur. Brièvement emprisonné l’année suivante, il se retire à Thury où il vécut et travailla jusqu’à la fin de sa vie.
La carte comprend un ajout manuscrit intéressant : une petite croix dans l’un des cratères de la moitié supérieure de la lune correspondant à une inscription indiquant “Ville natale de l’abbe Vurtz”. Il pourrait s’agir d’une référence à l’abbé Jean Mendel Wurtz (1760-1826), un ecclésiastique relativement peu connu qui a retenu l’attention du public en France après avoir publié plusieurs textes mystiques, dont l’un condamnait l’église française et un autre identifiait Napoléon comme l’Antéchrist. L’histoire contemporaine décrit ses idées comme des “productions d’une imagination malade” ; il était considéré comme un excentrique en définitive inoffensif. Situer son lieu de naissance sur la lune pourrait faire référence à l’un de ses livres, ou pourrait jouer sur le lien culturel entre la lune et la folie pour suggérer qu’il était mentalement malade.
Albert van Helden, ‘The Telescope in the Seventeenth Century‘, ISIS 65 (1974); Helge Kragh, The Moon that Wasn’t (New York:Springer, 2008); Françoise Launay, ‘The moon maiden of Cassini’s map’, Astronomy and Geophysics 44 (2003); Launay, ‘La tête de femme de la carte de la lune de Cassini. Une déclaration d’amour’, L’Astronomie 117 (2003); Scott L. Montgomery, The Moon and the Western Imagination (Tucson: University of Arizona Press, 1999); Ewen A. Whitaker, Mapping and Naming the Moon (Cambridge, 2003); Whitaker, ‘Selenography in the Seventeenth Century’ in R. Taton and C. Wilson (eds.), Planetary Astronomy from the Renaissance to the Rise of Astrophysics (Cambridge: Cambridge University Press, 2003).
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