De Zee-Atlas. [De Groote nieuwe vermeerderde Zee-atlas ofte Water-waereld,… vertoonende in zig alle de Zee-kusten des Aardryks…]. 

Description

In-folio (55,5 x 37 cm) de 98 cartes doublées sur papier fort ; plein veau, dos à 8 nerfs, pièce de titre de maroquin rouge, plats ornés de filets d’encadrement dorés, écoinçons et fer central doré, tranches jaspées (dos refait, qq frottements et usure. Reliure restaurée)

Ex-libris armorié Holland House avec sa devise en latin « Vitam Impendere Vero »

Superbe atlas entièrement colorié à la main à l’époque. Il comprend un frontispice allégorique gravé et dessiné par Ian Luyken, à l’adresse de Johannes van Keulen (daté 1714) et 97 cartes à double page par Claes Janz Vooght, Johannes et Gérard van Keulen. Une carte de l’Egypte par Valck & Schenck, également en coloris de l’époque, a été ajoutée à l’époque par le propriétaire de l’atlas.

L’histoire de cette publication s’inscrit dans la dernière grande génération des cartographes nautiques hollandais, après Waghenaer, Blaeu et Janssonius.

Libraire à Amsterdam, Johannes van Keulen (1654-1715) se spécialise dans la cartographie nautique et la publication d’atlas maritimes. En 1678, il fonde son entreprise familiale, bientôt appelée à devenir l’une des plus influentes du domaine. Plus éditeur qu’artisan-cartographe, il s’entoura dès le début du mathématicien et géomètre Claes Jansz Vooght, qui réalisa la plupart des cartes éditées par la maison Van Keulen.

Son premier grand ouvrage, le Zee-Atlas, parut en 1680. Ce recueil, constitué exclusivement de cartes gravées par Vooght et Van Keulen, ne comportait aucun texte explicatif. La première édition française comptait 36 cartes, de même que l’édition hollandaise publiée la même année.

Entre 1681 et 1684, Van Keulen et Vooght entreprirent la réalisation de leur œuvre maîtresse, le Nieuwe Groote Ligtende Zee-Fakkel, vaste atlas en cinq volumes qui devint un véritable pilier de l’hydrographie hollandaise. Pendant plusieurs années, les deux atlas, le Zee-Atlas et le Zee-Fakkel, furent publiés en parallèle, dans différentes versions comportant des textes en néerlandais, français, espagnol ou anglais.

En 1693, Johannes Van Keulen renforça encore sa position sur le marché en acquérant le fonds et les locaux de l’éditeur Hendrick Doncker dans la Nieuwe Brugsteeg. Après 1695, de nouvelles cartes furent progressivement insérées dans les atlas, tandis que certaines anciennes étaient retirées ou mises à jour.

Son fils Gerard van Keulen (1678-1726), graveur talentueux, mathématicien et hydrographe, prit la direction de l’entreprise familiale en 1704. C’est à lui que revient le mérite de donner à la maison Van Keulen une assise scientifique durable et de renouveler en profondeur le Zee-Atlas. Dès 1709, il porta le corpus à 185 planches, qu’il renumérota et répartit en cinq parties, suivant le modèle du Zee-Fakkel, donnant à l’atlas son organisation définitive.

En 1714, Gerard fut nommé hydrographe officiel de la Compagnie hollandaise des Indes orientales (VOC), une charge prestigieuse que la famille Van Keulen conserva jusqu’à la dissolution de la compagnie.

L’exemplaire que nous présentons réunit 98 cartes, toutes magnifiquement enluminées et rehaussées de cartouches décoratifs. On y trouve notamment 24 cartes consacrées aux Amériques (Nord et Sud), pour la plupart dues à C. J. Vooght, 11 cartes d’Afrique (dont celle de Valck & Schenck), 5 cartes d’Asie, dont une dépliante, ainsi que 58 cartes d’Europe et de ses territoires ultrapériphériques, dont 9 dépliantes.

Plusieurs cartes de l’atlas méritent une attention particulière.

La carte du monde intitulée Aardbodem, préparée par Claas Jansz Vooght (Shirley 512, état 2), offre une vision du monde tel qu’on l’imaginait à la fin du XVIIe siècle. Conçue avant tout pour montrer les côtes connues, elle illustre les continents et principales îles avec une exactitude inégale : l’Europe, l’Afrique et une partie de l’Asie sont relativement précises, tandis que les Amériques et les régions encore peu explorées apparaissent plus approximatives. La carte met l’accent sur les tracés côtiers et les repères maritimes, sans détails à l’intérieur des terres.

La carte d’Amérique Pascaarte vande Noorder Zee custen van America (carte 72 de l’atlas) basée sur la très rare carte d’Hendrick Doncker publiée en 1678, est la première carte à avoir été introduite dans le Zee-Atlas de 1680 ; elle est ici en 2^e état (Burden 515, avec le privilège pour 15 ans). La seconde à être introduite dans l’édition de 1680 est celle de l’océan Atlantique sur laquelle figurent parties des côtes d’Amérique, d’Europe et d’Afrique (carte 59 de l’atlas). Orientée avec l’ouest en haut, elle est basée sur les cartes de Theunis Jacobsz de c. 1650 et de sa dérivée par Joannes van Loon de 1661. Elle figure ici en 3^e état (avec les Soute et les Vlaamse Eylanden ajoutées) (Burden 516).

Quant à la Pascaert vande Zuyd Zee représentant le Pacifique et incluant l’Amérique du nord (à l’exception des territoires du nord du continent), elle est ici en premier état (Burden 518). Cette carte est largement inspirée de celles de Goos ; elle intègre les découvertes de la Nouvelle-Zélande et de la Tasmanie par Abel Tasman, ainsi que le golfe de Carpentaria en Australie, et mentionne, à tort, l’une des îles Kouriles sous le nom de Compagnies Land.

Parmi les cartes régionales, celle de la Virginie, dressée par Vooght d’après celle d’Augustine Herman (1673), représente les baies de Chesapeake et du Delaware (Burden 588, 3e état). La Pas-Kaart vande Zee Kusten van Niew Nederland ander genaamt Niew York (Burden 587, 4e état) constitue la seconde carte consacrée à cette région, après celle d’Arent Roggeveen de 1675. Elle témoigne de l’apogée des connaissances néerlandaises sur le territoire : de nombreux toponymes y apparaissent pour la première fois. Bien que la région y soit désignée comme New Nederland et Niew York, la ville elle-même n’est pas nommée. Le véritable attrait de cette carte réside dans son encart supérieur, où figure la première représentation gravée de la vallée de l’Hudson, accompagnée de nombreux noms de lieux jusqu’alors inédits.

Parmi les autres cartes d’Amérique figurant dans l’atlas, on peut citer celles de Terra Nova, Francia Nova, Canada et Acadie (Burden 584, 4e état), des West Indien (Burden 583, 2e état), des Caraïbes, du Surinam, d’Hispaniola, des îles Turks, Caicos et Cuba, de Carthagène, de la Terre Ferme et du Honduras, ainsi qu’un ensemble remarquable de onze cartes consacrées au Brésil.

Outre la carte de l’Egypte de Valck & Schenk mentionnée plus haut, l’atlas comprend également 10 cartes représentant les côtes des pays d’Afrique tels que la Guinée, la Sierra Leone, le Gabon, le Loango, l’Angola, le Bénin, l’Afrique du Sud (Caffres), ou encore les îles du Cap Vert.

5 grandes et belles cartes d’Asie ornent également cet atlas, dont une carte de l’océan Indien, une carte de l’Inde, une de Ceylan, une de l’Asie (côte nord), et une grande carte dépliante de Java.

L’atlas contient également 58 cartes des pays d’Europe et des régions ultrapériphériques dont la Norvège, le Danemark, la Suède, la Finlande, les Pays-Bas, les îles du nord, l’Islande, l’Angleterre, la France, l’Espagne, les Canaries, l’Italie, les îles de la Méditerranée (Sicile, Chypre, Corse, Sardaigne…), les Açores, la Grèce, la mer Noire… La carte Oost zee… (cf. Koeman [185]) se distingue de l’exemplaire décrit dans cette même bibliographie par la présence d’une carte en encart, non signalée par Koeman. Les neuf cartes dépliantes de l’atlas concernent principalement l’Europe du Nord ainsi que la Méditerranée et ses îles.

Le De Zee-Atlas incarne le sommet de la cartographie nautique hollandaise. Conçu dans le sillage des atlas de Goos, Doncker ou Van Loon, il franchit un cap décisif : là où les premiers “livres de pilotage” se concentraient sur les eaux européennes, il propose une couverture à l’échelle mondiale, reflet direct des ambitions coloniales et commerciales de la République des Provinces-Unies.

Publié parallèlement en néerlandais, français, espagnol et anglais, il connut une large diffusion internationale et demeura en usage jusqu’à la première moitié du XVIIIe siècle. Ses éditions successives furent sans cesse actualisées, les cartes devenues obsolètes étant remplacées par de nouvelles.