PREAUX, Michel-François
Mosquée extérieure de Sultāniyya (Soltaniyeh)
ca. 1807-1809
- Dimensions: 58 x 91 cm
- Condition: A
- Technique: encre noire sur papier
18 000,00 €
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Michel-François Préaux, Mosquée extérieure de Sultāniyya (Soltaniyeh), ca. 1807-1809, encre noire sur papier, 58 x 91 cm.
Inscription en bas à droite : « Mosquée bleu – (inscription illisible) au Gal de Gardanne ».
Artiste voyageur, Michel-François Préaux (également parfois orthographié « Préault » ou « Préaulx ») n’a été que trop sommairement étudié par l’histoire de l’art au regard de son parcours et de son œuvre. Bien qu’étant systématiquement mentionné dans les ouvrages portant sur les peintres occidentaux présents au Moyen-Orient, il ne dispose que d’une biographie très parcellaire. Grâce à un dessin signé et daté , sa présence est néanmoins attestée à Rome en 1786. Dix ans plus tard, Michel-François Préaux est installé à Constantinople en tant qu’architecte selon Auguste Boppe . Il est arrivé dans l’Empire ottoman comme membre d’une mission dirigé par le citoyen Guion-Pampelone. Ancien député de l’Assemblée constituante, celui-ci est à la tête d’une délégation composée de soixante-dix fondeurs de canons mais aussi de plusieurs dizaines d’artistes dont Préaux ou encore les architectes Lepère et Protain . En cette fin du XVIIIe siècle, la diplomatie française coopère activement avec l’Empire ottoman. Elle met en place un programme culturel et scientifique visant à accentuer le développement de cet état dont la mission conduite par Guion-Pampelone est un parfait exemple. Alors que la plupart des artistes français quittent Constantinople durant la campagne d’Égypte, Michel-François Préaux reste quant à lui à la Sublime Porte. En septembre 1807, il est présenté par l’intermédiaire du général Sebastiani, ambassadeur de France auprès de l’Empire Ottoman, au général, Claude-Mathieu Gardane, ministre plénipotentiaire de France en Perse. Il obtient l’autorisation de ce dernier afin de l’accompagner dans sa délégation auprès du Shah et devient ainsi le dessinateur attitré de cette mission .
À l’occasion de ce périple qui a duré jusqu’en 1809, Michel-François Préaux a réalisé de nombreuses œuvres documentant ce voyage et permettant aussi de faire connaître l’art et la civilisation persane. Durant de cette mission, l’artiste se rend notamment à Sultāniyya où il représente différents monuments de cette ville dont plusieurs vues de la mosquée du vendredi (illus. 01). Exécutée à la plume, cette composition de grand format montre cet édifice remarquable avec une petite troupe de soldats persans s’affairant autour. Michel-François Préaux a au moins réalisé deux versions de cette vue puisqu’il en existe une autre identique se trouvant dans un album conservé au Centre des Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères. Si le statut de ce recueil est incertain, Iradj Amini supposant qu’il a été perdu pendant la Deuxième Guerre mondiale , la représentation de la mosquée de Sultāniyya par Préaux est néanmoins connue grâce à une gravure reproduite dans un ouvrage de Louis Dubeux (illus. 02). Cette feuille présente toutefois plusieurs différences, le dessinateur figure notamment plusieurs soldats qui sont absents de l’estampe. De même, un village complet est campé dans l’arrière-plan à gauche de la composition alors que la gravure montre simplement une unique bâtisse. Le caractère autographe de cette feuille est incontestable tant le style de l’artiste est aisément reconnaissable. Apposant uniquement de l’encre noire, la main minutieuse et vibrante de Préaux trace avec acuité et générosité les contours de cette composition. Le trait fourmillant et renflé qu’il adopte dans cette feuille est absolument identique à celui de sa Vue d’une petite mosquée près d’un café turc à Ephase (illus. 03) ou encore de celle de l’Arc de Septime Sévère à Rome (illus. 04).
La représentation réalisée par Michel-François Préaux est un précieux témoignage concernant un édifice notable dans une ville ayant joué un rôle de premier plan dans l’histoire iranienne. Situé dans la province du Zanjān, Sultāniyya a été la capitale de l’Ilkhanat de Perse entre 1306 et 1335, elle s’est principalement développée sous le règne d’Ūljāytū. Les études de Sheila Blair et de Masha Feizi ont largement démontré l’importance de cette ville et la richesse de son patrimoine architectural qui est d’ailleurs classé par l’UNESCO depuis 2005 . La mosquée représentée par Michel-François Préaux n’existe malheureusement plus aujourd’hui, elle a sans doute été détruite par un tremblement de terre en 1809. Sa position géographique fait notamment l’objet de plusieurs hypothèses , il semble qu’elle se trouvait vraisemblablement à l’extérieur d’Abwāb al-berr, vers l’est de la ville.
Cette feuille de Michel-François Préaux se place indubitablement sous le signe de la rareté. Réalisée par un artiste dont le corpus connu est sommaire, cette œuvre est par ailleurs une des seules représentations d’un important édifice malheureusement détruit. Cette préciosité est en outre renforcée par le statut incertain de l’album de la mission Gardane. Les affres et les turpitudes du temps viennent ainsi magnifier les qualités intrinsèques de cette œuvre exécutée par un artiste à la main alerte et minutieuse. La carrière atypique de Michel-François Préaux ne s’achève pas au demeurant avec sa mission en Perse. À la suite de celle-ci, l’artiste rentre à Constantinople, il devient alors le dessinateur attitré de l’ambassade auprès du général Antoine François d’Andréossy puis du marquis de Charles François de Rivière.
Illus. 01 : Lemaître after Michel-François Préaux, Exterior Mosque of Sultāniyya, 1841, lithograph, dimensions unknown, Paris, Bibliothèque nationale de France, published in Louis Dubeux, La Perse, Paris, Firmin Didot, 1841, 491 pp.
Illus. 02 : Lemaître after Michel-François Préaux, Exterior Mosque of Sultāniyya, 1841, lithograph, dimensions unknown, Paris, Bibliothèque nationale de France, published in Louis Dubeux, La Perse, Paris, Firmin Didot, 1841, 491 pp.
Illus. 03 : Michel-François Préaux, Vue d’une petite mosquée près d’un caffé turc à Ephase d’après Nature (View of a small mosque near a Turkish caffé in Ephase after Nature), 1803, ink and black pen on paper, 20 x 31 cm (8.5 x 11.5 in.), London, Christie’s “Old masters & 19th Century Art,” October 29, 2010, sale 5493, lot n° 421.
Illus. 04 : Michel-François Préaux, View of the Arch of Septimius Severus in Rome, ca. 1786, ink and black pen on paper, 51 x 75 cm, London, Philipps Auction “Old master drawings,” July 9, 2001, lot no. 126.
Bibliographie
Louis Dubeux, La Perse, Paris, Firmin Didot, 1841, 491 p.
Édouard Driault, Études napoléoniennes. La politique orientale de Napoléon : Sébastiani et Gardane, 1806-1808, Paris, F. Alcan, 1904, 410 p.
Auguste Boppe, Les peintres du Bosphore au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1911, 231 p.
Henri Dehérain, « La mission de Félix Lajard en Perse et ses conséquences scientifiques », dans le Journal des Savants, 1929, p. 359-372.
Henri Dehérain, La Vie de Pierre Ruffin, orientaliste et diplomate, Paris, Paul Geuthner, 1930, 312 p.
R. M. Savory, « British and French Diplomacy in Persia, 1801-1810 », dans Iran, n° 10, 1972, p. 31-44.
Monika-Rochan Zamir-Dahncke, Iran in napoleonischer Zeit : 1797-1814, Hambourg, H. Lüdke, 1973, 190 p.
Edward W. Said, Orientalism, New York, Vintages books, 1979, 368 p.
Sheila S. Blair, « The Mongol Capital of Sulṭāniyya, “The Imperial” », dans Iran, vol. 24, 1986, p. 139-51.
Iradj Amini, Napoléon et la Perse, Paris, Fondation Napoléon, 1995, 254 p.
Irène Natchkebia, « La Perse vue par les membres de la mission du général Gardane (1807-1809) », dans, Orientalist, II, Tbilisi, Georgien Academy of Sciences, Tsereteli Institute of Oriental Studies, Tbilisi Institute of Asia and Africa, 2003/2004, p. 195-207.
Markus von Ritter, Moscheen und Madrasabauten in Iran 1785-1848 : Arkitektur zwischen Rückgriff und Neuerung, Leiden, Brill, 2005, 202 p.
David Vinson, « « Napoléon en Perse » : genèse, perspectives culturelles et littéraires de la mission Gardane (1807-1809) », dans la Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 109, n° 4, 2009, p. 871-897.
Irini Apostolou, L’orientalisme des voyageurs français au XVIIIe siècle : une iconographie de l’Orient méditerranéen, Paris, PUPS, 2009, 453 p.
Irène Natchkebia, « Quelques réflexions autour d’un dessin de Michel François Préaux – peintre de la mission du général Gardane en Perse (1807-1809) », dans Studies on the Iranian World II : Medieval and Modern, Anna Krasnowolska (éds.), Renata Rusek-Kowalska (éds.), Cracovie, Jagiellonian University Press, Krakow, 2015, pp. 255-265.
Haydn Williams, Turquerie : une fantaisie européenne du XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 2015, 238 p.
Mahsa Feizi, Le paysage culturel de la plaine de Sultāniyya durant la période islamique, thèse de doctorat, sous la direction de Bernard Geyer et Haeedeh Laleh, Lyon, université Lumière Lyon 2, 2020, 191 p.
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