CALLOT, Jacques (Nancy 1592-1635)
Siège de la Citadelle de St. Martin dans l’île de Ré (Obsidio Arcis Sam. Martinianae)
Paris
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Spectaculaire représentation du siège de St Martin dans l’île de Ré, avec l’attaque de la citadelle par les troupes anglaises de Charles Ier et la victoire de l’armée royale de Louis XIII le 8 novembre 1627
Cette impressionnante estampe est composée de 16 planches, dont 6 gravures à l’eau-forte par Callot, dépeignant le siège de l’île pour la composition centrale, et 10 planches pour la bordure. Callot a réalisé les sujets dans les cartouches, Abraham Bosse (Tours 1605 – Paris 1678) s’est chargé des cartouches et des ornements, tandis que Michel Lasne (Caen ca 1590 – Paris 1667) a gravé au burin les portraits et la lettre.
En haut, au centre, trône le portrait de Louis XIII, avec les armoiries conjointes de France et de Navarre dans les coins supérieurs. En bas, au centre, figure le portrait de Gaston d’Orléans, frère du roi et général de corps d’armée. Quatre scènes, disposées de part et d’autre des deux portraits, dépeignent : la descente de M. de Toyras sur l’île de Ré, les secours envoyés à la Citadelle, l’assaut général des Anglais à la citadelle, et la défaite des Anglais.
La composition principale offre une spectaculaire mise en scène de l’assaut mené par les troupes anglaises contre la citadelle en 1627 et de la défense de l’île par les troupes royales. Sur le devant de la composition, Louis XllI à cheval, est accompagné de Gaston d’Orléans. Quelques épisodes de la reconquête de l’île en 1625 sur les huguenots conduits par Mr de Soubise figurent également sur l’estampe. Des chiffres renvoient vers la lettre gravée.
Celle-ci offre un récit détaillé relatant les événements survenus sur l’île en 1625, et le déroulement du siège anglais de 1627 mené par le duc de Buckingham, qui se solda par la victoire des troupes du roi le 8 novembre 1627. Rédigée en français le long de la bordure latérale gauche, elle est reproduite en latin sur celle de droite.
L’estampe complète avec sa bordure se distingue par sa rareté.
Les feuilles de la composition centrale (Lieure, 654) sont dans le 2e état sur 2 (3e état sur 3 pour la feuille inférieure gauche) après l’ajout des lettres-guides de montage. Les feuilles de la bordure supérieure et inférieure (Lieure, 656-659) sont dans les états après numérotation, toutes cotées “R” (Rare) par Lieure. Les feuilles de la bordure latérale sont dans l’état unique classé ‘RR’ (Très rare) par Lieure.
Sièges de l’île de Ré :
Au début du XVIIe siècle, malgré la tolérance accordée par Henri IV aux protestants, l’île de Ré devient le théâtre d’une guerre de religion indirecte entre La Rochelle et Louis XIII. Sous le commandement d’Henri de Rohan et de son frère Benjamin, duc de Soubise (1583-1642), les forces huguenotes affrontent, en 1625, les armées royales dirigées par les ducs de Montmorency et de la Rochefoucauld, le maréchal de Saint Luc, et le sieur de Toiras (1585-1636). La capitulation des huguenots est signée le 18 décembre 1625. Louis XIII nomme Toiras gouverneur de l’île et ordonne sa fortification. La construction du fort de la Prée et de la citadelle de Saint-Martin représente des avancées significatives dans l’architecture militaire de l’île de Ré.
Le 22 juillet 1627, une flotte de 60 bateaux transportant plusieurs milliers de soldats et de cavaliers, commandée par Georges Villiers, 1er duc de Buckingham (1592-1628) et favori de Charles Ier d’Angleterre, débarque sur l’île de Ré et entreprend le siège de Saint-Martin. Cet épisode intervient dans le contexte de la guerre de Trente Ans, la couronne d’Angleterre apportant son soutien aux huguenots français dans leur lutte contre les forces royales de Louis XIII, tout en cherchant à entraver le développement de la marine française.
L’île est entièrement occupée par les Anglais, à l’exception de la citadelle et du fort de la Prée. Avec cinq fois moins d’hommes, et malgré un siège éprouvant, le comte de Toiras résiste jusqu’à l’arrivée des renforts. Des vivres et des munitions parviennent sur l’île malgré le blocus des Anglais. Buckingham, ne recevant pas de renforts d’Angleterre, voit sa situation se détériorer malgré le soutien de La Rochelle qui en, approvisionnant les Anglais, les sauve de la famine. A la mi-octobre, une partie de l’armée royale commandée par le maréchal Henri de Schomberg (1575-1632) rejoint le commandement du maréchal Louis de Marillac (1572-1632) à La Prée. Le 27 octobre, le duc de Buckingham tente une ultime attaque sur Saint-Martin mais échoue. Les Anglais se replient sur l’île de Loix où ils sont poursuivis et défaits lors de la dernière bataille du pont du Féneau le 8 novembre 1627.
Cette victoire préfigure la prise de la Rochelle dont le commandement militaire a été confié au cardinal de Richelieu en août 1627. Réduite à la famine, La Rochelle capitule sans condition le 28 octobre 1628.
Suite à la reddition de La Rochelle et au retour du roi à Paris, Callot fut appelé à exécuter une œuvre similaire à celle qu’il avait créée pour immortaliser la prise de Bréda.
Jacques Callot est né en 1592 à Nancy dans une famille lorraine récemment anoblie par Charles III de Lorraine. Après un apprentissage chez un orfèvre-graveur en Lorraine, il part à Rome étudier la gravure au burin avec Philippe Thomassin. Agréé par Cosme II de Médicis, il rejoint l’atelier de Giulio Parigi à Florence. Grâce à Antonio Tempesta, il explore l’eau-forte. Installé aux Offices en 1614, il gravera des œuvres majeures. Innovateur, il introduit le « vernis dur » des luthiers florentins, révolutionnant l’art de l’eau-forte. Après la mort de Cosme II de Médicis, il retourne en Lorraine. Il est considéré comme l’un des maîtres de l’eau-forte. « Il [le] porta au dernier degré de perfection [dans] ses Grands Sièges et ses Misères de la Guerre, qui feront toujours le désespoir de tous les graveurs, et l’admiration des vrais connaisseurs … chefs d’œuvre dus à la pointe magique de l’artiste » (Meaume, Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot, vol. 1, pp. 70-71)
Lieure, 654, 656-659 ; Meaume 522, 523-532 ;